Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Black Cherry : Visions sur le Métal Progressif et l'actualité
7 mai 2009

Opeth : Still Life

Boite_StillLife

Aucun adorateur de musique progressive ne me démentira, le plus grand plaisir que l'on retire d'écouter ce genre musical est bien de s'émerveiller en découvrant une nouvelle facette d'un morceau que l'on a pourtant écouté déjà 30 fois. Les compositions à tiroirs, les textes implicites et poétiques, les détails infimes mais indispensables, voilà les éléments font en partie la beauté de la musique dite progressive. Et Opeth en est l'exemple parfait. Avec Still Life, le groupe Suédois marque au fer blanc son nom dans le registre des plus grands groupes de metal progressif. Cette album sortie en 1999 restera fort longtemps dans les mémoires et constitue une valeur sûr indémodable.

Difficile d'accès, Sill Life l'est assurément. C'est d'ailleurs ce qui fait tout son charme. Car celui qui saura digérer les 7 titres qui composent cette album sera récompensé par un plaisir incommensurable et surtout intarissable. On le sentait déjà venir avec Morningrise, Opeth en avait dans le ventre. Il aura fallu attendre 3 ans pour que ce potentiel incroyable se concrétise enfin pour notre plus grand bonheur, à travers ce concept album traitant de l'exclusion d'un homme de son village pour athéisme. Celui ci reviendra alors 15 ans plus tard par amour pour Melinda et fera tout pour la récupérer.

The Moor, premier titre de Sill Life, raconte cette exclusion. La chanson commence par une complainte mélancolique et lancinante jouée à la guitare électrique. Les toujours magnifiques guitares sèches prennent alors le relais pour amorcer la monté en puissance du morceau. Ce qui frappe d'abords, quand la distorsion et la batterie commencent à rugir, c'est la tournure progressive que va prendre l'album. L'alternance du chant guttural et du chant clair s'effectue très tôt dans la chanson, il en ressort alors un ambiance envoûtante, les riffs de guitare forts de leur authenticité et de leur puissance aidant. Les guitares sèches reviennent sur la fin pour achever de peindre cette ambiance que l'on retrouvera tout au long de l'album, à savoir une atmosphère de souffrance, de regret, teintée de confusion et de désarrois. L'amour est ici aussi présent. Il est en fait au centre des nombreux thèmes abordés.

Cet amour que tente de retrouver le personnage principal dans Godhead's Lament, Melinda, se trouve être devenue une nonne. Cette chanson démarre sur un riff et une mélodie improbable, complètement perturbant et déroutant lors de la première écoute, à la limite de l'inharmonie. Cela colle pourtant parfaitement à l'ambiance du retour du héros dans son village 15 ans plus tard et aux sentiments qu'il doit éprouver. L'atmosphère très noire du début se transforme alors en une débauche mélodique. Mikael Åkerfeldt entonne, sur une mélodie débordante d'émotion, ce que l'on peut appeler le refrain. Il est en effet assez difficile de trouver une quelconque construction dite classique dans les compositions d'Opeth. Il est plutôt préférable de parler ici d'histoire transcrite en musique. Je ne cacherai pas que c'est le style de composition qui me touche le plus, car il semble évident que sous cette forme la musique n'a que pour seul objectif de servir les paroles. La partie acoustique de Godhead's Lament est quant à elle tout simplement sublime, doublée d'une ligne de chant qui s'inscrit dans la tête immédiatement.

Acoustique, Benighted l'est entièrement. Cette ode à Melinda dépeint le désir du protagoniste d'arracher les chaînes que sa religion à refermé autour d'elle, et ainsi  récupérer son amour perdu. Entièrement joué aux doigts, les arpèges d'une simplicité seulement apparente évoluent dans les gamme mineurs propres à Opeth, et favorisent la construction d'une atmosphère dense et envoûtante. Åkerfeldt use uniquement de sa voix clair ici, et fait encore preuve de son talent d'écrivain-poète au travers des différentes rîmes suivies et embrassées de la chanson. Sur la fin, la batterie de Martin Lopez et la basse de Martin Mendes font ressortir toute l'ampleur groovy des guitares sèches.

Nous arrivons à la moitié de l'album, et ce n'est sans doute pas un hasard si Moonlapse Vertigo est située à ce moment là. Il s'agit en effet de la clé de voute, non seulement de l'album, puisque l'on apprend ici que l'exilé va revoir Melinda  et à quel point il hait le conseil du village qui l'a banni autrefois, mais de toute la discographie d'Opeth. Tous les éléments qui caractérisent la musique du groupe sont ici réunis pour montrer ce que le metal progressif à de plus beau et d'intense. Rock, Death, Jazz, Prog, les riffs s'enchaînent inlassablement avec une cohérence déconcertante. Les guitares électriques et acoustiques s'embrassent d'abords, se fondent puis s'entrechoquent. La même danse  stylistique s'effectue au niveau du chant, Åkerfeldt usant alternativement du grunt et de sa voix claire. Le talent des musiciens n'est alors plus en doute lorsque  le superbe mais très court solo jazzy retentit, introduit grâce à une transition exemplaire d'efficacité. Que la musique semble facile lorsque l'on écoute ces Suédois. Il n'en est rien pourtant.

Face of Melinda est alors parfaite pour nous remettre de nos émotions, dans un premier temps en tout cas. Structurée de façon classique, la chanson comporte néanmoins deux parties distinctes. La première est acoustique, ponctuée de notes de guitare électrique en son clair, la batterie est discrète et se contente de cymbales et d'une caisse claire frappée d'une baguette balais. Cette pseudo balade à la sauce Opeth ne tarde pourtant pas à faire rugir les voix distordues des guitares électrique de Peter Lindgren et de Mikael Åkerfeldt dans la deuxième partie. Les riffs sont alors tranchants, accompagnant des lignes de chant et des paroles émouvantes et poétiques. L'atmosphère rendue est poignante, toute autant que l'histoire puisque Melinda, se surprenant elle même, avoue enfin à notre héros qu'elle est toujours amoureuse de lui. Celle ci s'endort auprès de lui sur ces paroles, qui seront aussi ses dernières : My promise is made but my heart is thine.

A son réveil il est seul. Il découvre alors que Melinda fut emportée dans son sommeil et la retrouve sans vie, un sillon rouge  autour de la gorge. La mort, voilà le prix à payer lorsque l'ont trahie sa foi. L'exilé commence alors, dans une explosion de rage et de folie, à tuer les soldats responsables de son malheur et ceux tentant de l'en empêcher, jusqu'à ce qu'il soit grièvement blessé et tombe d'épuisement. Le héros refusant de se repentir, la mort l'attend lui aussi. Mais alors que le bourreau passe la corde à son coup, il sent une main sur son épaule, et voit Melinda derrière lui, prête à l'accueillir dans son repos éternel. Voilà les derniers instants du protagoniste racontés aux travers des deux morceaux les plus orientés Death de l'album. Néanmoins le côté progressif est toujours présent, comme en témoignent les nombreux changements de rythmes, notamment celui intervenant au début de Serenity Painted Death, marquant sur un riff surpuissant le début de la folie meurtrière du héros. Le refrain est quant à lui difficile à digérer, au même titre que l'intro de Godhead's Lament, mais fonctionne terriblement bien dans le contexte des paroles. White Cluster nous gratifie elle d'un mélange Death-acoustique-prog dont seul Opeth en a le secret pour un moment de musique inoubliable. L'outro est teintée de mélancolie et de tristesse, marquant la fin de l'histoire tragique de ce couple, victime d'une religion aveugle et cruelle, aux dogmes à la limite de l'absurde et aux fidèles que trop nombreux.

Pour résumer, Sill Life est un chef d'oeuvre du metal progressif et de la musique en générale, garant de qualités à l'épreuve du temps, contant son histoire en prose sur une musique d'une complexité et d'une richesse saisissante, fruit d'un travail colossal et sans aucun doute d'un esprit génial, et d'une qualité globale bien au delà de la somme de ses parties.

Yann


N.B. : Still Life est disponible ici en version remasterisée et en 5.1 dans une édition en carton rigide contenant deux disques et un booklet regroupant les artworks magnifiques, toujours signées Travis Smith, retraçant l'histoire de l'album.

Publicité
Commentaires
Y
Salut Shourka, moi aussi j'ai eu du mal à aimer cet album, mais une fois dedans on en ressort pas indemne :)<br /> S'il y a bien un album où les paroles donnent une tout autre dimension aux chansons c'est bien celui-ci, d'autant qu'elles sont fichtrement bien écrites.
S
Excellente chronique, surement l'album dans lequel j'ai eu le plus de mal a rentrer, et je connaissais meme pas l'histoire de l'album, etant donné que les paroles ne m'interessent jamais (bien trop concentré sur la zik), mais là je pense que ma prochaine ecoute de l'album se fera avec le livret :)
Publicité